La famille des Bloch MB 130 à 136 illustre les hésitations doctrinales, techniques et industrielles qui ont parcouru l'aéronautique militaire française avant la Seconde Guerre mondiale.
La famille des Bloch MB 130 à 136 illustre les hésitations doctrinales, techniques et industrielles qui ont parcouru l’aéronautique militaire française avant la Seconde Guerre mondiale. Un seul type d’appareil est construit en série, le MB 131, pour un concept opérationnel que la technologie de l’époque ne permettait pas d’atteindre.
En août 1933 le Service technique de l’aéronautique (STAé) établit une spécification pour un avion multiplace de combat, le programme M4. En octobre de cette même année, l’état-major aérien émet un programme d’avions multiplaces rapides BCR (bombardement, combat, renseignement) baptisé Plan I. Il s’agit de rééquiper les groupes de reconnaissance avec des bimoteurs polyvalents capables d’effectuer des missions de bombardement et d’escorte à longue distance, en plus des missions spécifiquement de reconnaissance. Avec 500 à 1000 kg de bombes ils doivent atteindre au moins les 350 km/h à 4000 m d’altitude, posséder une autonomie de 1300 km et être armés de trois tourelles de mitrailleuses afin d’assurer leur propre défense.
Huit constructeurs répondent à ce programme et six prototypes voient le jour : l’Amiot 144, l’Aérienne Bordelaise SAB 80, le Bloch MB 130, le Breguet Br 460, le Farman 420 et le Potez 540.
Le bureau d’études Bloch, dirigé par Maurice Roussel, dessine le MB 130 A, de lignes carrées, avec des tourelles « tous azimuts », qui ressemble beaucoup à un petit MB 210, avion précédemment dessiné par la même équipe. Équipé de deux moteurs Gnome-Rhône 14 Kdrs de 760 ch, il est baptisé « Guynemer » et muni d’un train d’atterrissage fixe pantalon. Il effectue son premier vol à Villacoublay, le 8 juin 1934, piloté par André Curvale et René Vaudequin.
A la suite des premiers vols, l’appareil reçoit un train rétractable, de nouveaux moteurs Gnome-Rhône 14 Kirs/Kjrs de 870 ch et une tourelle ventrale prolongée vers l’arrière. Ainsi modifié et rebaptisé MB 130 B, il revole le 3 avril 1935. La mise au point de la machine est délicate puisque pas moins de dix-sept dérives différentes sont essayées. Immatriculé F-AKHS, il est finalement détruit en 1937, blessant le pilote Zacharie Heu. Une version à flotteurs, de torpillage, baptisée MB 130 M et dotée de deux Gnome- Rhône 14 Kdrs de 760 ch est proposée sans succès en 1934.
En octobre 1935, il est envisagé de passer un marché pour une quarantaine d’appareils mais cela n’aboutit jamais, du moins sous cette forme. Le prototype suit en effet une longue évolution menant à un nouvel appareil de bombardement et reconnaissance d’allure très différente et beaucoup plus moderne : le Bloch 131 RB 4.
Dès la fin de l’année 1935, le concept du multiplace de combat BCR commence à perdre les faveurs de l’armée de l’air au profit d’appareils plus spécialisés. Marcel Bloch développe donc, parallèlement, un avion qui tout en dérivant de la cellule initiale de Bloch 130, possède une aérodynamique complètement redessinée. Il s’agit du Bloch 131, un appareil beaucoup plus moderne, équipé de moteurs Gnome-Rhône 14 Kirs/Kjrs de 870 ch. Le nouveau Bloch 131 était un avion de reconnaissance et de bombardement quadriplace (défini donc comme RB4) qui n’a plus rien à voir avec son prédécesseur. Le Bloch 131 n°01 est construit à l’usine de Courbevoie et assemblé à Villacoublay où, codé E-221, il effectue son premier vol le 12 août 1936 piloté par André Curvale et Armand Raimbeau. Un second prototype, le Bloch 131 n°02 RB5 codé E-222, est présenté au salon de l’aéronautique de Paris de 1936.
Il peut emporter un cinquième membre d’équipage, la tourelle dorsale est déplacée et une tourelle ventrale est installée. Ce prototype effectue son premier vol le 7 mai 1937. Durant l’été 1937, époque à laquelle la Société Avions Marcel Bloch est absorbée par la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO), les moteurs initiaux sont remplacés par des Gnome-Rhône 14N 10/11.
L’appareil est commandé en série avant même les essais du 01. Entre 1936 et 1937, cinq marchés pour un total de 142 MB 131 et MB 132 sont passés et remplacent le marché initial pour 40 exemplaires du type 130. En 1938, le plan V vient uniformiser ces commandes en modèles MB 131 seulement.
Le premier appareil de série issu de l’usine de la SNCASO de Châteauroux-Déols, édifiée à partir de 1936 pour produire l’avion dans de bonnes conditions, vole le 1er juin 1938. Débutant ses essais en même temps que le 02, il est doté d’une tourelle semi-rétractable en position ventrale. Les essais mettent en évidence la lourdeur et la complexité de ce dispositif et qu’il est plus judicieux d’installer une gondole fixe avec un profil aérodynamique, malgré la réduction d’efficacité du poste de tir et la position malcommode que le servant doit adopter. Le prototype 02 est ensuite transformé en 131 Ins tandis que le 01 est abandonné.
La première série de 13 avions (n°3 à 15) sont des Bloch 131 R4 (reconnaissance quadriplace). Elle est suivie par 5 autres (n°16 à 20) Bloch 131 Ins (appareils à double commande pour l’instruction). Le second prototype est transformé en Bloch 131 Ins et versé à l’Armée de l’Air. Le dix-neuvième appareil de série (n°21) est le premier Bloch 131 RB4 (reconnaissance et bombardement quadriplace). Plus d’une centaine de ces derniers sont construits.
En raison de retards de fabrication, les premiers appareils ne sont réceptionnés qu’à l’automne 1938. C’est finalement un total de 141 machines qui sont prises en compte par l’armée de l’air, les prototypes 131, 132 et 133 étant remis aux normes des MB 131 de série.
Les unités utilisatrices furent les suivantes: GR I/14, GR II/14, GR I/21, GR II/22, GR I/35, GR I/36, GR II/36, GR I/55, GR II/55 et GR I/61.
A la veille de la déclaration de guerre, 109 sont en service dans ces unités. Malheureusement utilisés pour des missions de reconnaissance lointaines de jour sans escorte, ils ne font guère le poids face aux Messerschmitt Me 109 de la Luftwaffe. A partir d’octobre 1939, ils sont donc retirés de la première ligne et relégués aux missions d’entraînement, de remorquage de cibles et de tir en écoles, sauf quelques appareils aux GR I/36 et II/36. Au 10 mai 1940, 35 MB 131 sont encore en service annexe dans les groupes de reconnaissance et 64 sont en unités d’entraînement. Du 3 septembre 1939 au 24 juin 1940, 8 appareils sont perdus, 4 abattus et 4 accidentés pour un total de 10 tués. A l’Armistice, 53 sont recensés en zone libre et, en novembre 1942, les Allemands en capturent 21 qui sont ferraillés.
Dès le premier marché de série du 1er avril 1936, en parallèle à la version à moteurs Gnome-Rhône du MB 131, Marcel Bloch propose le type MB 132 à moteurs Hispano-Suiza 14 Aa de 940 ch. Cette version ne voit jamais le jour à cause de l’échec des moteurs 14 Aa et les marchés des MB 132 sont transformés en MB 131.
Au titre de ce même marché, les établissements Bloch doivent fournir un prototype MB 133. Comme le modèle MB 132, la version MB 133 doit recevoir des moteurs en étoile Hispano-Suiza 14 Aa. Le MB 133 diffère du MB 132 par un empennage à double dérive à la place de la dérive unique de ses prédécesseurs. La non disponibilité des moteurs Hispano retarde le premier vol ce cette machine. L’avion passe un an dans un hangar de Villacoublay avant de décoller, alors que chez Bloch le délai normal de préparation ne dépasse que rarement un ou deux mois. Son retard est également imputable à la totale réorganisation, donc désorganisation provisoire, de l’industrie aéronautique française de l’époque : la Société des Avions Marcel Bloch est en effet, au même moment, nationalisée et absorbée par la nouvelle Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO). Il vole pour la première fois, à Villacoublay, le 1er octobre 1937, piloté par André Curvale.
Présenté comme un RB 4, il atteint 435km/h. Le retard avec lequel il arrive ne lui permet pas d’entrer en compétition sérieuse avec les modèles plus récents et plus rapides. Comme le MB 132, il est remis au standard MB 131 et rejoint les rangs de l’armée de l’air.
En 1936 le Service technique de l’aéronautique (STAé) émet le programme A21/1 demandant un bombardier moyen de type B4. Ce programme peut, en fait, être considéré comme un correctif au programme des B4 de 1934. En particulier, l’échec des gros moteurs Hispano-Suiza ou Gnome-Rhône amène les officiels à admettre la formule quadrimoteur. La formule de la tourelle-canon inférieure est également abandonnée au profit de mitrailleuses tirant par une trappe. Seulement deux missions sont retenues : 800 kg de bombes avec 2200 km de distance franchissable et 1500 kg de bombes avec 500 kg de carburant en moins, les bombes les plus grosses étant celles de 200 kg.
Pour répondre à ce programme, l’échec du MB 133 étant patent, le bureau d’études Bloch, travaillant pour la SNCASO, imagine deux appareils, l’un bimoteur et l’autre quadrimoteur. Le premier semble une extrapolation de la formule des Bloch 170, sans cependant aucun point commun hormis les capots-moteurs et les principes de construction, tandis que le second dérive de la famille MB 130. Le bimoteur est désigné MB 134 et le quadrimoteur MB 135.
Un premier projet dotée d’une nouvelle voilure, d’un empennage à double dérive et de deux Gnome-Rhône 14 P de 1250 ch, conserve peu de pièces communes avec le MB 131. L’abandon des moteurs 14 P signe l’arrêt du projet et le bureau d’études se tourne alors vers le deuxième MB 134, sans lien de parenté cette fois avec la famille MB 131.
Construit à Courbevoie, assemblé à Villacoublay, le MB-134-01 vole pour la première fois le 22 juillet 1939 piloté par René Le Bail et Jean Lapeyre. Après quelques modifications dont une augmentation des surfaces verticales de l’empennage, il entre enfin au CEMA d’Orléans-Bricy, en janvier 1940. Le 21 avril 1940, il est gravement endommagé lorsqu’une jambe de train s’efface durant un atterrissage, à la suite d’une rupture en vol de bâche hydraulique. L’appareil n’a sans doute pas revolé avant sa destruction volontaire imposée par l’avance allemande.
Les essais du MB 134 sont l’occasion d’une crise entre Marcel Bloch et les services officiels. Les adversaires de Marcel Bloch lui reprochent de concurrencer des bombardiers déjà commandés en série, donc de risquer de compliquer les problèmes de production, sans pour autant garantir des performances nettement supérieures. Certains suggèrent un abandon pur et simple du type. Il est même reproché au constructeur le choix des moteurs 14 Aa pourtant imposés initialement par l’État et prévus sur tous les autres avions du même programme. Il apparaît finalement qu’avec les mêmes moteurs Gnome-Rhône 14 N-48/49 que ses concurrents un peu plus anciens, il est plus rapide, puisqu’il atteint environ 520 km/h. Il doit cette supériorité à une construction nettement plus légère et à une aérodynamique meilleure diminuant la traînée. Le différent s’envenime cependant et entraîne l’abandon par Marcel Bloch de ses fonctions d’administrateur-délégué de la SNCASO, le 13 février 1940.
En 1937, en même temps que le premier MB 134, et pour répondre au même programme révisé en 1936, le bureau d’études Bloch prévoit une variante quadrimoteur de ce bombardier moyen, le MB 135. Cet appareil possède le même fuselage élargi, avec un décrochement dorsal abritant le mitrailleur et son arme. La voilure est similaire, avec toutefois un plan central trapézoïdal au lieu de rectangulaire. Les moteurs sont des Gnome-Rhône 14 M 4/5 (puis 6/7) de 710 ch tournant en sens inverse et entraînant des hélices Gnome-Rhône. La soute permet l’emport d’un maximum de 1 350 kg de bombes.
Les principes de construction sont ceux utilisés pour les autres appareils Bloch d’alors : fuselage réalisé en coque, emploi de caissons augmentant la rigidité, nervures aussi bien obliques que longitudinales, pour fermer les caissons de voilure. Le constructeur s’efforce, en outre, de n’utiliser que des tôles et des profilés standard, en duralumin.
Le MB 135-01 est assemblé à Villacoublay par la SNCASO. Il effectue son premier vol, à Villacoublay, le 12 janvier 1939, piloté par René Le Bail et René Lapeyre.
Malgré de prometteuses performances et d’excellentes qualités de vol, il n’est pas retenu pour la production. Même sans le désastre de 1940, les Bloch MB 134 et 135, en dépit de qualités indiscutables, n’auraient probablement jamais fait l’objet d’aucune commande de série. Il y avait en effet déjà deux « bombardiers rapides » en production (LeO 45 et Amiot 350) et les deux appareils ne semblaient pas marquer un progrès suffisant pour justifier une dispersion de l’effort industriel. Du reste les moyens de fabrication de la SNCASO sont, dans les mois qui suivent, intégralement consacrés à la production des Bloch MB 175 et MB 176.
Une variante à flotteurs du premier MB 134, le MB 136, est également présentée sans succès. Proposé au choix avec des moteurs 14 N ou 14 P (950 ou 1250 ch), ce bombardier torpilleur aurait été relativement rapide pour un hydravion (385 ou 410 km/h selon les groupes motopropulseurs). Il n’aurait cependant répondu que d’assez loin aux clauses du programme d’« éclaireurs de combat » en matière de charge utile et de rayon d’action. D’autre part, il apparaît à un moment où l’état-major de la Marine est de moins en moins convaincu de la nécessité d’utiliser des hydravions pour certaines missions. Il demeure donc à l’état de projet.
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